55 poèmes, c’est le premier Zukofsky. C’est d’abord son premier livre de poèmes,
publié aux États-Unis en 1941 par les presses de James A. Decker à Prairie City,
Illinois. Il n’avait auparavant travaillé que sur des recueils collectifs ; là,
c’est sa propre poésie. Un recueil tardif malgré tout si l’on veut, puisqu’il
rassemble des oeuvres écrites entre 1923 et 1935. Le livre sort donc six ans
après la composition du dernier poème, et presque vingt ans après les débuts de
Zukofsky en poésie. Il a alors 37 ans.
55 poèmes, c’est aussi le Zukofsky première manière. C’est le recueil de la
période la plus strictement « objectiviste » du poète new-yorkais, celle où il
bousculait le milieu de la nouvelle poésie américaine par des manifestes
flamboyants, âprement discutés dans les revues de l’avant-garde – celle où il
apparaît comme l’héritier d’Ezra Pound. C’est dans 55 poèmes qu’apparaissent la
plupart des oeuvres les plus connues de Zukofsky hors du grand-oeuvre « A » : «
Poem beginning “The” » ou « Mantis » par exemple, textes d’un jeune homme
infiniment ambitieux, invoquant toute l’histoire de la littérature occidentale,
de la pensée juive, retravaillant des formes fixes complexes héritées de Dante
et des troubadours, dialoguant avec la poésie de son temps et des autres.
Et puis, c’est aussi la période la plus explicitement politique de Zukofsky. Ici
on croise Marx, Lénine, la classe laborieuse et l’horizon révolutionnaire. Après
la Seconde Guerre mondiale, Zukofsky ne formulera plus les choses tout à fait
ainsi, même si la politique restera toujours au coeur de son travail sur la
langue anglaise. Ce sera peut-être alors un autre Zukofsky.
Note du traducteur