Fils d'un forestier géorgien, Vladimir Maïakovski avait une allure de bûcheron,
et c'est avec une énergie de cette nature qu'il va s'attaquer à la poésie de son
temps. Né en 1894, il publie ses premiers textes en 1912. Il adhère alors au
futurisme qui lui paraît seul capable de remplacer le symbolisme et l'acméisme
dont les raffinements aristocratiques l'ennuient, et peut-être même,
l'écoeurent. Après la révolution d'Octobre, il s'engage à corps littéralement
perdu, avec la volonté de créer un nouvel art révolutionnaire et, plus
précisméent pour ce qui le concerne, de forger un langage accessible aux masses.
Désormais, ses écrits vont suivre le cours politique des choses, avec petits et
grands événements, difficultés et triomphes. Le poète et le citoyen militant
deviennent en lui inséparables. La poésie de Maïakovski rompt avec les règles
rigides de la prosodie, son vers prend les intonations du langage courant, mais
en inventant une scansion qui porte les mots de la rue jusqu'à une sorte
d'incandescence ou de frénésie. "Un poète, affirme-t-il, doit développer son
propre rythme, abandonnant iambes et mesures canonisées, qui ne lui
appartiennent pas en propre. Le rythme magnétise et électrise la poésie ; chaque
poète doit trouver le sien ou les siens." Cette nouvelle poétique, Maïakovski la
voit comme un grand travail, et même une "industrie". Cet effort prométhéen, il
va le tenir des années durant, les poèmes-fleuves succédant aux poèmes-fleuves,
les récitals enfiévrés succédant aux voyages à travers l'URSS et le monde.
Jusqu'au suicide soudain du 14 avril 1930, jour où l'élan révolutionnaire n'est
plus assez fort pour sauver du naufrage un impossible amour.