Lors de la réoccupation des villes de Palestine au printemps 2002, l'armée
israélienne a utilisé une tactique inédite : au lieu de progresser dans les rues
tortueuses des vieux quartiers ou des camps de réfugiés, les soldats passaient
de maison en maison, à travers murs et planchers, évitant ainsi de servir de
cibles aux résistants palestiniens. Cette méthode, « conceptualisée » sous le
nom de « géométrie inversée » par des généraux qui aiment à citer Debord,
Deleuze et Guattari ou Derrida, représente un tournant postmoderne dans la
guerre des villes. Les territoires occupés sont ainsi devenus un laboratoire
spatial pour de nouvelles techniques d'attaque, d'occupation et de contrôle de
populations, qui sont ensuite exportées aux frontières où se livre la guerre
globale. Et inversement, la réflexion sur l'urbanisme est largement passée dans
des centres de recherche où des militaires travaillent sur l'art de construire /
détruire en s'appuyant sur de pseudo-concepts philosophiques. Mais Eyal Weizman
montre que ces idées nouvelles ? substrat d'une querelle des Anciens et des
Modernes dans l'armée israélienne ? n'ont pas été étrangères au fiasco libanais
de l'été 2006.