« Nous nous sommes fourrés dans un sale pétrin dont il nous faut sortir ; et
nous devons faire en sorte de ressortir de l'autre côté. À ce moment-là, nous
aurons changé. J'ignore qui nous serons alors, à quoi ressemblera l'autre côté,
mais je crois qu'il y a des gens là-bas. Ils y ont toujours vécu. Ils y sont
chez eux. On y chante des chants, et l'un d'eux s'appelle “Danser au bord du
monde”. Si, en nous hissant sur l'autre bord du précipice, nous leur posons des
questions, ils ne traceront pas de cartes ; ils prétendront qu'ils en sont
¬incapables ; en revanche, ils pointeront un lieu du doigt. Et l'un d'eux
indiquera la direction d'Arlington, Texas. C'est là-bas que j'habite, dit-elle.
Voyez comme c'est beau ! »
L'œuvre de (science)-fiction d'Ursula K. Le Guin est internationalement connue.
Elle s'accompagne de quelques essais qui en interrogent le contenu et permettent
de mieux en comprendre les enjeux et les implications. Ce volume, qui rassemble
34 essais et conférences publiés entre 1976 et 1988, permettra aux lecteurs de
pénétrer dans le monde de Le Guin, peuplé de mots, de femmes et de territoires,
au miroir duquel se ‘réfléchit' le nôtre. On y retrouve son audace singulière
qui n'hésite pas à mélanger les genres et à traiter tout à la fois de ménopause,
de responsabilité sociale dans l'Empire nord-américain de la fin du XXe siècle,
d'utopies littéraires ou de poésie des femmes indiennes. Ursula K. Le Guin,
comme Philip K. Dick, fait partie des visionnaires de la littérature, qui
méritent de figurer de plein droit au panthéon des grands écrivains du siècle.
Ursula K. Le Guin (1929-2018) est l'auteur de nombreux romans, dont les grands
cycles de -Terremer et de l'Ekumen, pour lesquels il a reçu plusieurs prix
prestigieux. Fille de Theodora Krober, auteur du chef-d'œuvre Ishi (Terre
humaine), à qui elle rend hommage dans ce volume, son œuvre pourrait se définir
comme l'«anthropologie imaginaire » d'un monde à venir.
Traduit de l'anglais (USA) par Hélène Collon
Préface de Patricia Farazzi