Chacune des très courtes proses qui composent ce recueil met en scène un
personnage « différent ». Une enfant attardée lors de la rentrée des classes.
Une jeune femme dont les parents ont obtenu la garde de sa fille. Un vieil homme
dans un hospice. Un SDF. Tous sont ce que l’on pourrait nommer des êtres
dérangés, radicalement autres, des « inaptes à la vie » dont le seul maintien
dans le monde qui les entoure tient du défi permanent ou du miracle. En une
page, une page et demi, rarement plus, Adelheid Duvanel parvient à nous enserrer
dans ces vies bancales et à nous les rendre proches. Et, en nous permettant de
percevoir l’équilibre fragile qui les rend malgré tout possibles, elle nous
renvoie subtilement à nos propres tâtonnements. Maîtresse incontestée de la
forme courte, elle est parvenue à conjuguer dans un même écrin l’extraordinaire
originalité du regard « différent » (qu’il soit celui de l’enfant, du
« dérangé » ou du rêveur) et la rigueur pointilliste d’une conteuse hors pair.
Chacune de ces histoires forme un monde en soi. Une monade. Tout y est. Rien n’y
manque. Elles sont comme des petits cercles dessinés à la main. Des petits
cercles hésitants, délicats, qui entourent quelque chose. On ne sait pas
toujours bien quoi. On sait juste que c’est infiniment précieux.