Quoi de plus iconoclaste qu’un herbier composé entre quatre murs, sans l’étendue
de la nature ? Comme une contradiction dans les termes. L’herbier de Rosa
Luxemburg est une archive sans équivalent. Troublante et attachante, sa
fragilité et son histoire en font un témoignage de résistance et d’évasion, une
fabrique de formes et de joie, un document sur le sentiment politique de la
nature, fondement de toute écologie.
Composé de sept cahiers datés d’avril 1915 à octobre 1918, l’herbier a pu être
réalisé par la révolutionnaire emprisonnée grâce à l’amitié sans faille de
quelques femmes, ses amies intimes dont la féministe Clara Zetkin. Au-delà des
quelques fleurs et mauvaises herbes de la cour de la prison que Rosa glane
lorsqu’elle sort sous surveillance, ce sont ses proches qui lui envoyèrent par
lettres des spécimens séchés ou des bouquets de fleurs fraîches qu’elle-même
pressait. Aux planches de l’herbier répond ainsi tout une correspondance où il
est question de botanique, de nature, de romantisme allemand, d’amour de toutes
créatures, et cela, « en dépit de l’humanité ». Rosa Luxemburg ne cesse
d’encourager ses proches à garder leur joie de vivre et leur gaieté alors que
les nuages qu’elle entraperçoit par une fenêtre à barreaux se chargent des
couleurs de la guerre et de l’acier.
Herbier de prison est constitué de 133 planches botaniques accompagnées de la
traduction des légendes manuscrites de celles-ci. Cet ouvrage recueille
également une soixantaine de lettres, dans lesquelles la révolutionnaire évoque
sa passion pour les plantes, ainsi que pour les animaux. Des documents inédits
en français complètent le volume, notamment un journal où Rosa Luxemburg
consigne les faits et gestes de sa vie d’incarcérée.