En 1783, à la parution du livre, Rétif a cinquante ans, comme son héros. Car
cette histoire, la dernière aventure d'un vieux séducteur, il l'a vécue. Le
roman est une autobiographie déguisée, récit d'une expérience cruelle : la jeune
et belle Sara, qu'il aime et qui lui dit l'aimer, vend ses faveurs à d'autres.
C'est la découverte, avec la jalousie, de l'illusion amoureuse, du mirage de
l'amour, toujours déçu et toujours renaissant. C'est aussi la prise de
conscience brutale de la vieillesse, du corps qui cesse d'être désirable : la
fin d'une carrière de séducteur. L'ambition de Rétif est de confondre sa vie
avec l'écriture : toute son oeuvre est une recréation littéraire de sa vie,
annonçant la pratique actuelle de l'autofiction. Tel un Rousseau libertin, il
place la sincérité au-dessus de tout, et raconte ses conquêtes féminines comme
ses échecs et humiliations. Ce très beau roman, mélancolique et jamais
moralisateur, est une ode à la jeunesse et à l'amour perdus.