Dès le réveil, été comme hiver, le temps parisien entre par la fenêtre du
Narrateur, frontière entre le monde et l'intime. "Ce fut surtout de ma chambre
que je perçus la vie extérieure pendant cette période." Car, profitant d'une
absence de sa mère, il a installé chez lui la femme aimée, Albertine, passagère
clandestine qu'il tient cachée et surveille à chaque sortie, dans la crainte
qu'elle lui préfère tel autre homme ou telle femme. Comment la retenir ? Faut-il
dorer la cage du bel oiseau, cadeau après cadeau, dans une débauche de luxe ?
Renoncer pour elle à sortir, à voyager, à vivre, en se consumant d'une jalousie
sans objet ? Fou d'amour et de douleur, il se fait peu à peu le prisonnier de sa
prisonnière. Tandis qu'Albertine devient la geôlière de son geôlier. L'amour
est-il la valse mélancolique de deux victimes consentantes ? Dans ce magnifique
roman introspectif paru en 1923, Proust développe magistralement sa vision de la
jalousie, corollaire nécessaire de l'amour. Cet extraordinaire huis-clos est le
récit d'une passion démesurée, qui se dévore elle-même. La Prisonnière offre
l'une des plus belles réflexions de la littérature sur l'impossibilité de
l'amour, pourtant éternellement recommencé.