Sur la route qui mène de l'enfance à la vieillesse, des joies de Combray à la
perte des illusions du Temps retrouvé, Le Côté de Guermantes signe la fin de
l'adolescence. On y observe l'aristocratie parisienne à travers les yeux d'un
jeune bourgeois. Deux amours impossibles et douloureuses s'y nouent : la passion
du Narrateur pour Oriane de Guermantes, et celle de son ami Saint-Loup pour
l'actrice Rachel. Le salon mondain est un microcosme qui révèle ce qui intéresse
en profondeur le romancier : la lutte de l'intelligence contre la bêtise, la
force de la confrontation des points de vue, la richesse de la fluidité des
identités. Le Côté de Guermantes est le témoignage mélancolique d'une époque en
transition, qui court à la guerre de 1914. Le spectre de l'affaire Dreyfus plane
sur tout le roman et en divise les acteurs. La lucidité et le pessimiste de
Proust s'y expriment avec vigueur. Dénonçant le règne des apparences, le
romancier met son extraordinaire talent d'observateur au service d'une satire
sociale. Il fait de l'ironie une arme de combat, et de la méchanceté un art. Le
Côté de Guermantes est le roman le plus drôle de toute la Recherche. Il est
aussi le plus sombre : s'y jouent la maladie de la grand-mère du Narrateur, et
celle de Swann. Mais ce qui l'emporte, c'est l'émerveillement devant le
mouvement de la vie. À la recherche du temps perdu est une exceptionnelle
comédie sociale. Le Côté de Guermantes en est la preuve éclatante.