"Qu'est-ce au fond qu'Un faune de marbre (malgré l'emprunt du titre à Hawthorne,
aucune filiation ne peut être prouvée) ? Un cycle pastoral, très soigneusement
structuré en dix-neuf poèmes dont un prologue et un épilogue. S'il est tout à
fait conventionnel, par exemple, que la moitié des poèmes ait pour époque et
pour cadre le printemps - la saison du renouveau, de l'énergie retrouvée avec
les illusions -, il est plus révélateur que chacun soit centré sur un moment ou
sur un caractère atmosphérique différent : la pluie, mai, le clair de lune, les
bois au couchant, la nuit, etc. Le cycle est donc fait de variations d'ordre
pictural (VI, VII) ou musical (XII, XVII). La tonalité générale est élégiaque,
les sonorités longues, étouffées, et mouillées : la tristesse et, en effet
(selon les voeux de l'auteur), la note dominante - et programmée. Le faune
souffre d'être "en prison, voué aux rêves et aux soupirs", évoquant "des choses
que je sais mais ne peux connaître" : le monde entier l'appelle, lui "que le
marbre à jamais emprisonne". C'est donc en voyeur pétrifié (on trouve dix-sept
fois dans le recueil le verbe to watch ou ses équivalents) qu'il assiste au
déroulement des saisons, entend l'appel enjôleur de Pan, contemple la grâce
bouleversante des peupliers frêles comme des filles, connaît le froid de la
nuit, l'explosion du printemps, le vacarme des danses nocturnes et le silence
des couchants - enfin, au retour du printemps, se retrouve "triste prisonnier"
dont "le coeur ne connaît que la neige de l'hiver". Toutes proportions gardées,
Un faune de marbre évoque un drame à la manière de celui qui constitue
l'argument de Igitur de Mallarmé." Michel Gresset.