Un matin de juillet 1897, Georges Delaselle découvre une petite île du nord
Finistère, en face de Roscoff : l'île de Batz. Artiste amateur, il vient y
écrire et y dessiner loin de la capitale où il est né. Il tombe aussitôt
amoureux de deux hectares de terre et de sable à l'est de l'île qu'il décide
d'acquérir pour les embellir, les sublimer, y planter les graines du monde qu'il
collectionne. Il trouve là une géographie idéale, un microclimat pour réaliser
son rêve : un jardin exotique. Ami des Vilmorin, le règne végétal le passionne.
Ce monde d'autonomie, d'immobilisme et d'immortalité, il le perçoit en pionnier.
La fin du xixe siècle achève les conquêtes coloniales et, pour marquer la
grandeur de la France, les conquêtes botaniques s'intensifient. Année après
année, plan après plan, croquis après croquis, Georges imagine, dessine, creuse,
ordonnance son paradis. Ce jardin de fleurs, d'odeurs, de couleurs, il le nomme
sa « fille ». En 1918, on lui diagnostique la tuberculose, le mal du siècle.
Presque mort, il s'installe définitivement sur l'île, à plus de 50 ans. Chaque
graine plantée ne devait pousser que pour la postérité. Mais plus le jardin
avance, plus sa maladie recule, et cette vie qui ne valait presque rien
redevient saine, utile, pleine de vitalité. Le désert du bord de mer se met à
germer. Chaque arbre qui veut bien naître est une victoire sur la mort. Et le
dicton îlien stipulant que sur cette île sans arbres, le vent stérile empêche
tout de pousser est désavoué. Georges Delaselle a tracé sa vie autour d'une
ligne claire, solitaire. Il a créé un lieu où le réel rencontre l'imaginaire, où
l'on peut espérer, inspirer. Il y a plusieurs années, Guénaëlle Daujon est
partie vivre sur l'île de Batz. Après Là-Batz, un premier roman très remarqué
tiré de cette expérience singulière, elle a quitté l'île mais le jardin de
Georges continuait de l'obséder. Ce jardin exotique fait de fleurs venues
d'Afrique et du Mexique, elle l'a aimé, senti, respiré ; il l'a fait voyager et
l'a tout simplement aidée à vivre. Elle a donc tout naturellement plongé dans
les archives familiales de son fondateur pour en tirer un roman délicat et
entêtant sur un jardinier méconnu qui a poursuivi son rêve jusqu'à la déraison.