On a dit tout et n’importe quoi à propos du maoïsme d’Alain Badiou, mais qui a
lu Théorie de la contradiction, De l’idéologie et Le Noyau rationnel de la
dialectique hégélienne ? Les Années rouges, qui réunit pour la première fois ces
trois ouvrages, propose de revenir sur ce moment méconnu de la carrière de
Badiou. À présent que l’auteur est pleinement entré dans l’histoire de la
philosophie, il convenait de combler une lacune en permettant aux lecteurs
contemporains de comprendre la trajectoire qui l’a conduit du Concept de modèle
à l’élaboration de Théorie du sujet. Mais il s’agissait surtout de montrer que,
dans l’œuvre de Badiou, la polémique n’a jamais été séparable de la philosophie
et travaille la philosophie de l’intérieur. La pérennité du maoïsme réside sans
doute ici : dans un engagement de la philosophie au présent, visant à en dégager
la nouveauté et les lignes de fracture. À l’opposé des divers retours de la
philosophie politique qui ont dominé les dernières décennies, Badiou montre que
la philosophie, y compris la plus spéculative et la plus métaphysique, est en
soi politique. Revenir sur les années rouges et le moment maoïste, c’est donc
aussi renouer avec un geste, réactiver une époque que les défenseurs de l’ordre
néolibéral auraient préféré ne voir jamais reparaître.