"La politique révolutionnaire se donnait pour but prochain la synthèse. On
allait voir paraître dans les faits la dialectique. La révolution, c'était le
point sublime où le réel et les valeurs, le sujet et l'objet, le jugement et la
discipline, l'individu et la totalité, le présent et l'avenir, au lieu d'entrer
en collision, devaient peu à peu entrer en connivence. Le pouvoir du prolétariat
était la nouveauté absolue d'une société qui se critique elle-même et qui
élimine de soi les contradictions par un travail historique infini [...]. Que
reste-t-il de ces espoirs ? Ce n'est pas tellement qu'ils aient été déçus et la
révolution trahie : c'est plutôt qu'elle s'est trouvée chargée d'autres tâches,
que le marxisme supposait accomplies [...]. Dès 1917, contre la philosophie
synthétique du marxisme de langue allemande se dessine en Russie un marxisme des
antithèses dont les livres philosophiques de Lénine sont le modèle. Et cette
persistance des antinomies dans la philosophie communiste reflète leur
persistance dans l'action. Il est significatif que Sartre fonde maintenant sa
défense de la politique communiste sur les antinomies que la révolution
éliminait, et justifie relativement le communisme comme un effort tout
volontaire pour passer outre, détruire et recréer l'histoire quand Marx le
comprenait aussi comme la réalisation de l'histoire." Maurice Merleau-Ponty.