En 1978, Jacques Roubaud publie un livre au titre énigmatique, La Vieillesse
d’Alexandre . Cet Alexandre est un personnage historique singulier, l’un des
plus grands conquérants de l’histoire de la versification : l’alexandrin. Le
poète entreprend de raconter la biographie d’un vers, de ses origines à son
déclin.
Il manquait à cette vie d’Alexandre les branches narrant l’enfance mouvementée
du vers, avant qu’il ne finisse par s’imposer comme le mètre français par
excellence, au XVIe siècle.
Jacques Roubaud, porté par l’étude d’un vaste corpus de textes, ne livre pas un
traité aride mais un alexandrin mode d’emploi à la manière dont Perec raconte la
vie d’un immeuble : l’alexandrin est une structure architecturale à plusieurs
étages qui s’édifie dans des conflits de voisinage avec les autres vers
français.
Cette biographie d’un vers est aussi le laboratoire théorique et formel de l’un
des plus grands poètes contemporains.
Les Enfances d’Alexandre , publié en revue en 1977, était inaccessible. Valérie
Beaudouin et Marie-Louise Chapelle en ont établi une édition inédite à partir
des cahiers et manuscrits de Jacques Roubaud.
Jacques Roubaud (1932-2024), qui se définissait lui-même comme « compositeur en
poésie et retraité en mathématiques », a publié de la poésie, de la prose, du
théâtre et des écrits de théorie littéraire, dont Poétique. Remarques (2016) et
Peut-être ou la nuit de dimanche. Brouillon de prose (2018) dans « La Librairie
du XXIe siècle », aux éditions du Seuil.