« Que tout devienne noir, que tout devienne clair, que tout reste gris, c’est
le gris qui s’impose, pour commencer, étant ce qu’il est, pouvant ce qu’il peut,
fait de clair et de noir, pouvant se vider de celui-ci, de celui-là, pour n’être
plus que l’autre. Mais je me fais peut-être sur le gris, dans le gris, des
illusions. »
De même que Dante chemine de cercle en cercle pour atteindre son Enfer ou son
Paradis, de même est-ce, chacun dans un cercle bien distinct, que Samuel Beckett
situe les trois principaux protagonistes de sa trilogie, Molloy, Malone meurt et
L’Innommable, afin qu’ils atteignent, peut-être, le néant auquel ils aspirent.
D’un roman à l’autre, ce cercle est de plus en plus réduit.
Le cercle imparti à l’Innommable se réduit à un point, où tout est happé et
s’engouffre sans pour autant disparaître. L’être qui réside en ce point est
nécessairement sans nom puisqu’il s’agit de « je », ce « moi » à jamais non
identifiable.