Désastres, guerre qui vit encore en nous, images détachées de notre vie, du
temps ? Ce que nous avons vécu, ce dont nous ne parvenons à entreprendre
exactement d'écrire le roman, doit-il perpétuellement demeurer inaccompli et
inachevé jusque sur les images qui en perpétuent la mémoire ? Ce livre n'a
peut-être d'autre sujet que celui-ci : il est destiné à contenir l'objet le plus
fragile du monde, comme si toute notre science résidait cependant en lui. Le
lien du passé serait ainsi, tour à tour, une chose et une signification : le
lieu où nous revenons par fiction, hors de notre corps, et ce que nous traitons
comme le plus étranger, le plus lointain : une partie et seulement la plus
énigmatique de ce nous-même dont nous poursuivons l'imagination sous le
travestissement habituel de souvenirs, d'époques et de mondes disparus. Est-ce
parce que les sentiments éveillés sont devenus plus grands que les objets et
que, dans cette composition nouvelle, nous ne parvenons à tracer leurs figures ?