Pour en finir avec le jugement de dieu est sans doute le livre d'Antonin Artaud
qui libère le plus violemment cette voix forcenée, cette voix de fureur et de
fièvre qui apparaît comme l'ultime état, l'ultime éclat de sa parole de poète.
La poésie prend ici la forme d'une profération, d'une vaticination, mais loin de
vouloir faire entendre le message inspiré ou imposé à un oracle par un dieu
quelconque, Artaud entreprend de transcrire les mots, les balbutiements, les
cris comme s'ils étaient directement engendrés par le corps souffrant, brisé,
torturé d'un médium qui refuse toute intervention transcendante. Ce dont
témoigne ce livre, c'est d'une révolte ontologique, révolte radicale qui
s'affranchit de tous les recours, de tous les secours, de toutes les croyances,
pour s'en tenir aux seules sonorités, aux seuls timbres, aux seules vibrations
des choses. "Le timbre a des volumes, des masses de souffles et de tons, qui
forcent la vie à sortir de ses repères et à libérer surtout ce soi-disant
au-delà qu'elle nous cache/et qui n'est pas dans l'astral mais ici."