"Surgissant de la période dada de 1920-1923, voici les dernières pages inédites
d'Aragon, de son jardin secret, interdites de consulation, intitulées Projet
d'histoire littéraire contemporaine. Aragon les avait annoncées en 1922 dans
Littérature et avait laissé entendre depuis - et demandé à Jean Ristat d'écrire
dans l'édition de son Œuvre poétique - que l'avant-propos, "Agadir", paru dans
la revue, en avait été le seul fragment jamais écrit.Près de vingt chapitres du
Projet ayant été menés à bien, Aragon qui a d'autre part donné mandat de ne rien
laisser dans l'ombre, de lui-même, après lui, ménageait à ceux qui lui
survivent, au chercheur, au lecteur futurs, la surprise - soixante-dix ans après
leur rédaction - de ces témoignages fulgurants et d'une part réservée de son
oeuvre qui n'en prend que plus de relief aujourd'hui.Voici le premier Aragon,
passionné, polémique, tranchant, "trop intelligent" comme disait le dada
zurichois Walter Serner, dressant la toile de fond de ce moment ambigu entre la
fin de Dada qu'on assassine et la naissance d'un surréalisme emprunté, au moins
dans les termes, à Apollinaire. De ce roman noir, "policier" dans son
dénouement, où apparaissent tantôt Gide et Valéry, ou encore Cocteau et le
milieu des vernissages de l'époque, Aragon nous l'intrigue tout en démêlant
quelques fils pour mieux dissimuler quelques preuves. C'est qu'à "mentir-vrai",
il n'y a d'autre coupable alors que leur génie littéraire, le sien et celui de
ses amis, de Breton à Tzara en passant par Soupault et Radiguet."Marc Dachy.