Les 58 lettres que Heinrich von Kleist (1977-1811) écrivit à sa demi-soeur
cadette Ulrike sont convoquées dans ce texte fragmenté en 58 courts paragraphes
qui y puisent leur matière. Le texte de Marie de Quatrebarbes suit le dispositif
du dialogue intime dans lequel la relance est assurée par le silence attentif de
cette autre à qui il est adressé. Mais, de la même façon qu’Ulrike s’absente
derrière son prénom, la parole qui lui est adressée n’est plus celle de Heinrich
et pas non plus tout à fait celle de Marie. On est donc moins le lecteur d’une
reprise que d’une déprise. Ce qui circule désormais, c’est une parole qui ignore
les déterminations historiques et génériques — une parole qui reconfigure au gré
de son flux des intensités. Une parole réellement partagée qui passe de Heinrich
à Ulrike et à Marie, et aussi bien au lecteur, à la lectrice qui s’y expose.