Comment un certain désir s'y prend-il pour impliquer des puissances tierces dans
ses entreprises ? C'est le problème de ce qu'on appellera en toute généralité le
patronat, conçu comme un rapport social d'enrôlement. Marx a presque tout dit
des structures sociales de la forme capitaliste du patronat et de l'enrôlement
salarial. Moins de la diversité des régimes d'affects qui pouvaient s'y couler.
Car le capital a fait du chemin depuis les affects tristes de la coercition
brute. Et le voilà maintenant qui voudrait des salariés contents, c'est-à-dire
qui désireraient conformément à son désir à lui. Pour mieux convertir en travail
la force de travail il s'en prend donc désormais aux désirs et aux affects.
L'enrôlement des puissances salariales entre dans un nouveau régime et le
capitalisme expérimente un nouvel art de faire marcher les salariés. Compléter
le structuralisme marxien des rapports par une anthropologie spinoziste de la
puissance et des passions offre alors l'occasion de reprendre à nouveaux frais
les notions d'aliénation, d'exploitation et de domination que le capitalisme
voudrait dissoudre dans les consentements du salariat joyeux. Et peut-être de
prendre une autre perspective sur la possibilité de son dépassement.