C’est à Londres, en 1922, que Virginia Woolf rencontra pour la première fois, au
cours d’un dîner, Vita Sackville- West qui allait être pour de nombreuses années
une des deux ou trois personnes les plus importantes de sa vie. Après avoir lu
leur correspondance qui se poursuit sur plus de dix-huit ans, on ne pourra plus
douter de la profondeur de la passion qui lia ces deux femmes exceptionnelles –
une passion qui, en dépit des orages de la jalousie et parfois de la fureur,
leur apporta, jusqu’à la mort tragique de Virginia, le bonheur d’une tendresse
et d’une réciprocité de désirs qui renaissaient, crise après crise, de leurs
cendres indestructibles.
Vita-Sackville West excellait dans l’art de la correspondance. Qu’elle dépeigne
des jardins anglais ou les steppes de la Prusse, les montagnes de la Perse ou
les déserts de l’Arizona, sa démarche est alerte, imagée, avec un rien de malice
dans la satire mondaine. Ses lettres nous transportent dans une époque où Gide
et Proust choquaient, où un procès en obscénité était intenté à une romancière
accusée de saphisme ; une période aussi où la littérature de langue anglaise,
entraînée par de grands novateurs, continuait d’accorder la prééminence aux
techniques de la fiction.
Virginia Woolf, pour sa part, n’allait cesser de se débattre dans les affres de
l’enfantement de « sa » vérité de l’écriture qui, peu à peu, l’acculerait au
seuil de la folie. Mais au coeur de cette recherche torturante allait jaillir,
avec une fraîcheur de fontaine, Orlando, dédié à Vita.
À travers cette correspondance, c’est un nouvel aspect du fascinant et multiple
visage de Virginia Woolf que nous apprenons à mieux connaître encore.