L'une était une riche héritière américaine, l'autre l'une des plus célèbres
courtisanes de la Belle Époque. La très jeune Natalie Clifford Barney se
présenta un jour de 1899 au domicile de Liane de Pougy. Travestie en page
florentin, elle se prétendit la messagère de l'amour envoyée par Sappho ; avec
l'assurance invulnérable de ses vingt-trois ans, elle obtint ce qu'elle osa à
peine demander. Cette liaison dura moins d'un an, laissant place ensuite à des
sentiments plus complexes. Natalie n'était pas arrivée à arracher Liane à sa
très lucrative vie de galanterie. De leur improbable rencontre naquit une
passion dont les cent soixante-douze lettres présentées ici, totalement inédites
jusqu'à ce jour, narrent les stations obligées, des illusions divines des débuts
au goût amer des regrets. Nous suivons, au fil de ces pages, les développements
d'un amour qui s'était écrit en même temps qu'il s'était vécu et qui, l'espace
de quelques mois, dessina l'espoir immense d'une possible émancipation à deux,
loin de l'oppression des hommes. C'est dans les feux de cette passion que se
forgea le caractère indomptable de Natalie Clifford Barney, qui devint
l'Amazone, multipliant amours et amitiés, salonnière incontournable et figure
littéraire de l'entre-deux-guerres. À travers certaines lignes empreintes de
lassitude s'entrevoit aussi ce que serait le destin de Liane de Pougy, qui après
sa rencontre avec Natalie deviendrait princesse Ghika, avant de terminer sa vie
dans l'ordre des soeurs tierces dominicaines. Ces lettres montrent une hardiesse
et une liberté dans l'expression qui, jamais leste ni vulgaire, ne fait guère
mystère de la nature de certaines extases. Elles offrent enfin le portrait
inédit de deux personnalités qui furent, chacune à son propre titre, des figures
de leur temps.