Cruiser l'utopie décrit un mouvement, une avancée en forme de dérive entre
théorie, approche philosophique, critique d'art et récit personnel. Les œuvres
citées, racontées, se mêlent au récit familial ou individuel et aux
considérations plus universitaires. Cette pratique de la théorie et de
l'esthétique queer s'inscrit dans une interprétation nouvelle de l'espoir tel
que perçu par le philosophe Ernst Bloch, articulée à la pensée radicale noire et
à la recherche poétique d'auteureices comme Fred Moten et Eileen Myles.
Muñoz se penche sur la période des révoltes de Stonewall (1969) et analyse par
exemple les œuvres de Frank O'Hara, Andy Warhol, Kevin Aviance, Samuel R.
Delany, Fred Herko, LeRoi Jones/Amiri Baraka, Ray Johnson et Jill Johnston. À la
théorie queer comme étude correspond une manière de chercher et d'écrire
nouvelle, une forme d'hybridité entre la philosophie et les études culturelles.
La critique est, comme par anticipation, contenue dans la pratique artistique et
le quotidien contre-normatifs dont les récits, à la fois subjectifs et
historiques, laissent deviner un advenir queer, lieu de transformations et de
libération. Le texte, traduit par Alice Wambergue, est accompagné ici d'une
préface d'Élisabeth Lebovici et d'un poème de Fred Moten.