"L'Aleph restera, je crois, comme le recueil de la maturité de Borges conteur.
Ses récits précédents, le plus souvent, n'ont ni intrigue ni personnages. Ce
sont des exposés quasi axiomatiques d'une situation abstraite qui, poussée à
l'extrême en tout sens concevable, se révèle vertigineuse.Les nouvelles de
L'Aleph sont moins roides, plus concrètes. Certaines touchent au roman policier,
sans d'ailleurs en être plus humaines. Toutes comportent l'élément de symétrie
fondamentale, où j'aperçois pour ma part le ressort ultime de l'art de Borges.
Ainsi, dans L'Immortel : s'il existe quelque part une source dont l'eau procure
l'immortalité, il en est nécessairement ailleurs une autre qui la reprend. Et
ainsi de suite...Borges : inventeur du conte métaphysique. Je retournerai
volontiers en sa faveur la définition qu'il a proposée de la théologie : une
variété de la littérature fantastique. Ses contes, qui sont aussi des
démonstrations, constituent aussi bien une problématique anxieuse des impasses
de la théologie."Roger Caillois.