1880-1916 : depuis l'enfance du Narrateur, depuis Combray et le côté de chez
Swann, tout a changé. C'est l'heure du bilan. Dans le clair-obscur du Paris en
guerre, sous le ciel strié de bombardements, émergent des monstres, figures
méconnaissables du passé. Un véritable "bal des têtes" défile sous les yeux du
Narrateur. La déchéance des Guermantes, et singulièrement celle de Charlus,
l'homosexuel magnifique qui n'est plus que l'ombre de lui-même, signe la fin
d'un monde. Dans cette atmosphère crépusculaire, figé sous la poussière du
temps, Paris prend des allures de Pompéi. Et pourtant, c'est bien un monde
nouveau qui s'annonce. Si le temps détruit, si le temps défigure, la mémoire
reconstruit. Voyant venir la mort, le Narrateur comprend que "l'oeuvre d'art
[est] le seul moyen de retrouver le Temps perdu". Face aux identités instables,
dans un monde vidé de sens, le salut vient de la vocation littéraire. Roman
totalisant, éblouissante synthèse de la théorie proustienne du Temps et de
l'art, Le Temps retrouvé est aussi un remarquable essai de microhistoire de la
Première Guerre mondiale vue de Paris. Faisant un sort au monde d'hier, Proust
donne du sens au monde de demain.