Le marxisme dominant s’est bâti sur un oubli : celui de la rencontre de Marx
avec les narodniki, ces populistes russes défenseurs de la commune rurale et de
la paysannerie. Ce livre nous raconte cet épisode peu exploré et pourtant si
riche d’enseignements, hier comme aujourd’hui. Au contact des narodniki, Marx
abandonne l’eurocentrisme et l’idéologie du progrès qui imprégnaient sa
philosophie. Il voit alors dans les traditions communales agraires le terreau
d’un socialisme propre à la Russie. Ce tournant dans sa pensée ouvre à de
nouvelles perspectives qui méritent d’être méditées. D’une part, le
développement technique et économique ne doit plus être considéré comme la voie
royale vers l’émancipation du genre humain. D’autre part, l’invention d’un monde
nouveau impliquera de régénérer certains éléments révolutionnaires issus du
passé. C’est bel et bien un autre Marx que ce livre révèle, dont la pensée
pourrait inspirer un socialisme du xxie siècle réactualisant le mot d’ordre :
« Terre et liberté ! ».