Toute l'histoire de l'humanité porte en elle les traces de la peur de tomber
dans les serres de l'autre, d'être mangé, digéré et réduit à néant. Le champ des
significations inhérent à l'alimentation tisse avec les dynamiques humaines de
domination et d'exploitation un lien qui va, cependant, bien au-delà de la
simple métaphore. La bouche, dont nous nous servons indifféremment pour manger,
parler, embrasser, n'est pas seulement l'organe par lequel se produit la
première relation entre monde extérieur et monde intérieur, la première
articulation du langage : elle s'avère être le premier organe du pouvoir. Grâce
à un dialogue savant entre littérature anthropologique, étude des religions,
psychanalyse et théorie critique, l'autrice questionne la violence par laquelle
les processus d'anthropophagie symbolique hiérarchisent nos sociétés et opère un
rapprochement vertigineux entre les dimensions biologique, psychique et
socio-historique des dynamiques métaboliques qui nous constituent.