De 1759 à 1781, Diderot le philosophe, l'homme de lettres, a joué au critique
d'art en donnant neuf Salons pour une revue littéraire. Il s'agissait alors de
proposer aux abonnés, absents de Paris, un équivalent littéraire des oeuvres
qu'ils ne verraient pas : le lecteur, aujourd'hui encore, appréciera ces textes
sans avoir les tableaux ou les sculptures sous les yeux. Le Salon selon Diderot
n'est pas seulement de la critique d'art : il contient des dialogues, des
rêveries, des théories, de la philosophie. Il oscille entre le roman et l'essai,
entre le conte et la critique. Il ne s'agit pas de constituer une esthétique
conceptuelle, mais d'arpenter l'espace d'une interrogation : chaque Salon est
l'occasion d'un nouvel essai de réflexion, où le devoir d'abstraction
philosophique ne fait jamais l'économie du foisonnement du réel. Peut-être
Diderot ne sait-il pas expliquer un art qui soit totalement étranger à toute
narration. Peu importe : il sait en parler comme nul autre.