Ce livre, où il est question de poésie, réunit des écrivains qui ont en commun
de ne pas trop aimer qu'on les traite de poètes. Elles et ils ne tiennent pas
non plus à ce que leur travail d'écriture soit qualifié de poésie. Qui plus est,
cet ouvrage sort dans une maison d'édition qui n'a jamais publié de poésie – et
l'on pourrait même dire que ce domaine se situe à bonne distance de son
catalogue. Mais ces petites bizarreries sont faciles à expliquer. Les auteurs
qui ont accepté de participer au projet ne sont pas reliés uniquement par le
refus de ce qu'on appelle d'habitude poésie : dans une grande diversité – dont
ce livre rend compte –, leur écriture est hantée par la politique, bien que
celle-ci soit rarement le thème dominant de leur travail. Alors, où se
loge-t-elle ? Moins dans un style que dans un effort constant pour renouveler la
construction, l'agencement et les enjeux du livre, et de ce qui, au-delà même de
l'objet livre, poursuit l'analyse critique de nos mondes. La poésie telle qu'ils
l'envisagent est une opération pratique, concrète, où l'on ne se raconte pas
d'histoires et où l'on pense l'art comme un acte – individuel, certes – mais
aussi comme un lieu public – une scène ouverte. C'est par rapport à une
politique ainsi considérée que chacune, chacun des auteurs a exprimé ici sa
position personnelle. Si ce livre en persuade quelques-uns de discerner dans la
poésie contemporaine une certaine manière, justement décalée, de faire de la
politique, il n'aura pas manqué son but.